Tentative d'évasion.
A la question posée au voyageur
«Dites, qu’avez-vous vu?»
Baudelaire répond dans peut-être le plus beau poème des «Fleurs du Mal»
«Nous avons vu des astres
et des flots; nous avons vu des sables aussi;
et, malgré bien des chocs et d’imprévus désastres
Nous nous sommes souvent ennuyés, comme ici»
Qui n’a jamais ressenti dans une ville étrangère, fut-ce la plus belle du monde, dans un paysage fabuleux, une douloureuse contraction du plexus solaire dont la traduction immédiate réside dans la question amère « mais qu’est-ce que je fais ici? », celui-ci n’a jamais su ce que c’est que voyager.
Le voyage n’est souvent que la quête angoissée, inconsciente souvent, d’une désillusion: inutile d’aller chercher loin ce que l’on n’a pu trouver «chez soi». Mais qu’est-ce que cela veut dire « chez soi »? Une façon de se rassurer, de se protéger contre l’inexorable.
C’est quand le « chez soi » ne fonctionne plus, quand il n’en reste plus qu’une habitude évidée, que point le mirage d’un ailleurs où l’on se retrouverait.
Baudelaire encore,
Amer savoir, celui qu’on tire du voyage!
monde, monotone et petit, aujourd’hui
hier, demain, toujours, nous fait voir notre image:
une oasis d’horreur dans un désert d’ennui!
Et peut-être en est-il du voyage, comme de l’érotisme, de l’art ou encore des grandes aventures eschatologiques, une façon aussi illusoire qu’une autre d’échapper à notre condition. Un « divertissement » au sens pascalien.
Jean Rony, février 2007